De nombreuses erreurs d’investissement, y compris les plus dommageables, sont basées sur des modèles de comportement que nous avons mis des milliers d’années à acquérir pour la survie de notre espèce. Le problème est qu’aujourd’hui encore, ces comportements irrationnels sont profondément ancrés en nous. Car mentalement, nous sommes restés en grande partie des chasseurs-cueilleurs. Des actions qui étaient essentielles à notre survie en tant qu’hommes des cavernes sont aujourd’hui néfastes pour nos placements financiers. Les professionnels comme les investisseurs privés sont d’ailleurs concernés par ces pièges psychologiques.
Dans cet article, nous souhaitons vous sensibiliser aux principales erreurs de raisonnement liées à l’investissement et vous proposer des contre-mesures efficaces. Nous nous appuyons pour cela sur la littérature scientifique dans le domaine de la finance comportementale, un courant de recherche récent.
Contents
- Introduction
- Les 13 plus grandes erreurs de raisonnement en matière d’investissement
- Aperçu
- Présentation de chaque erreur de raisonnement avec explications, exemples et conseils
- Erreur de raisonnement n° 13 : le cygne noir
- Erreur de raisonnement n° 12 : Survivorship Bias (erreur de survie)
- Erreur de raisonnement n° 11 : Home Bias – Tendance au marché domestique
- Erreur de raisonnement n° 10 : biais de confirmation
- Erreur de raisonnement n° 9 : biais d’action – suractivité
- Erreur de raisonnement n° 8 : Information Bias – Surabondance d’informations
- Erreur de raisonnement n° 7 : ignorance de la « régression-toward-the-mean » – méconnaissance de l’effet de régression
- Erreur de raisonnement n° 6 : preuve sociale – instinct grégaire
- Erreur de raisonnement n° 5 : Hindsight Bias – Erreur de rétroaction
- Erreur de raisonnement n° 4 : Loss Aversion – Aversion à la perte
- Erreur de raisonnement n° 3 : le biais de surconfiance (overconfidence bias)
- Erreur de raisonnement n° 2 : Sunk Cost Fallacy (erreur sur les coûts irrécupérables)
- Erreur de raisonnement n°1 : méconnaître la croissance exponentielle
- Références bibliographiques (y compris des suggestions de livres)
- Cela pourrait aussi vous intéresser
- Clause de non-responsabilité
Introduction
Que signifient « finance comportementale » et « biais » ?
Avant de nous plonger dans ce sujet passionnant et de nous pencher sur ce que nous considérons comme les 13 principaux pièges psychologiques de l’investissement, nous souhaitons clarifier deux notions clés :
Finance comportementale
La finance comportementale est un courant de recherche récent dans le domaine de la finance qui analyse la psychologie de l’investissement. Cette brève définition provient de l’Université de Zurich ou de la description de son cours « Behavioral Finance ». Dans un monde financier idéal, les investisseurs complètement rationnels (« Homo oeconomicus ») peuvent classer sans erreur toutes les informations du marché et en tirer des conclusions purement logiques. Mais en réalité, les investisseurs agissent de manière irrationnelle, jugent certaines informations plus importantes ou moins importantes qu’elles ne le sont en réalité, et prennent ainsi également de mauvaises décisions d’investissement. La théorie comportementale des marchés financiers explique pourquoi il en est ainsi – et pourquoi la répétition de ces décisions entraîne des évolutions prétendument illogiques sur les marchés.
Biais
Les biais sont des distorsions. Dans cet article, nous nous concentrons sur les biais cognitifs qui sont systématiques et erronés, qui sont scientifiquement confirmés et qui sont liés à l’argent. Selon cette définition, les biais nous poussent à adopter un comportement irrationnel vis-à-vis de nos finances.
Autre remarque importante : si vous pensez que les biais ne concernent que les imbéciles, vous vous trompez malheureusement. En effet, les biais affectent tous les niveaux d’éducation, bien que dans des proportions différentes selon les biais. Comme nous le verrons plus loin, même les personnes très instruites sont parfois plus touchées par les biais que les personnes plus modestes.
Dans cet article, nous utilisons les erreurs de raisonnement ou les pièges psychologiques comme synonymes de biais.
Comment les biais sont-ils déterminés ?
Pour déterminer les biais cognitifs erronés systématiques, il faut d’abord élaborer des normes de comparaison rationnelles à l’aide de règles vérifiables. Les écarts systématiques par rapport à ces normes, c’est-à-dire les écarts non individuels et aléatoires, sont alors considérés comme irrationnels ou faux.
Pourquoi avoir choisi ces 13 erreurs de raisonnement ?
Nous avons procédé de manière systématique et avons suivi les quatre étapes suivantes pour choisir les 13 plus grandes erreurs de raisonnement.
- Lecture d’ouvrages spécialisés de différents auteurs (voir ce chapitre)
- Réalisation d’une présélection (population) d’une centaine d’erreurs de raisonnement (basée en grande partie sur les deux ouvrages de Dobelli)
- Analyse de la présélection et identification des principales erreurs de raisonnement liées au thème de l’argent
- Définition d’un classement des 13 erreurs de raisonnement identifiées précédemment (ranking)
D’ailleurs, même si le chiffre « 13 » est bien sûr le chiffre de la malchance pour un classement des plus grandes erreurs de raisonnement en matière d’investissement, nous n’avions pas ciblé de chiffre particulier au début de notre analyse. Après nos recherches, nous avons simplement retenu 13 erreurs de raisonnement qui nous semblaient particulièrement pertinentes dans le contexte de l’argent.
Assez d’introduction et bonne lecture !
Les 13 plus grandes erreurs de raisonnement en matière d’investissement
Aperçu
Nous avons identifié les erreurs de raisonnement suivantes, pertinentes pour votre investissement, et les avons classées par ordre décroissant. Cela signifie que plus le numéro de classement est bas, plus nous estimons que l’erreur de raisonnement a des conséquences importantes. Selon notre évaluation, l’erreur de raisonnement n°1 a donc le plus grand impact (négatif) sur votre investissement.
- Erreur de raisonnement n° 13 : le cygne noir
- Erreur de raisonnement n° 12 : Survivorship Bias (erreur de survie)
- Erreur de raisonnement n° 11 : Home Bias – Tendance au marché domestique
- Erreur de raisonnement n° 10 : biais de confirmation
- Erreur de raisonnement n° 9 : biais d’action – suractivité
- Erreur de raisonnement n° 8 : Information Bias – Surabondance d’informations
- Erreur de raisonnement n° 7 : ignorance « régression-toward-the-mean » – méconnaissance de l’effet de régression
- Erreur de raisonnement n° 6 : preuve sociale – instinct grégaire
- Erreur de raisonnement n° 5 : Hindsight Bias – Erreur de rétroaction
- Erreur de raisonnement n° 4 : Loss Aversion – Aversion à la perte
- Erreur de raisonnement n° 3 : le biais de surconfiance (overconfidence bias)
- Erreur de raisonnement n° 2 : Sunk Cost Fallacy (erreur sur les coûts irrécupérables)
- Erreur de raisonnement n°1 : méconnaître la croissance exponentielle
Dans les chapitres suivants, nous présentons chacune de ces erreurs de raisonnement. Nous commençons par une explication générale, suivie d’exemples pratiques liés à l’investissement et d’une conclusion avec des conseils sur la manière d’éviter l’erreur de raisonnement en question.
Autre chose : nous attendons avec impatience vos réactions dans les commentaires ci-dessous, que vous partagiez notre avis ou que vous le contredisiez.
Présentation de chaque erreur de raisonnement avec explications, exemples et conseils
Erreur de raisonnement n° 13 : le cygne noir
Nous commençons notre classement avec le cygne noir – l’erreur de raisonnement « qui l’aurait cru ? Il s’agit, dans l’esprit de Nassim Taleb, auteur du best-seller « The Black Swan », d’un événement impensable ayant un impact énorme sur notre vie. Il existe des cygnes noirs positifs et négatifs.
La crise de Corona, par exemple, a donné lieu à des cygnes noirs positifs et négatifs. Négatif : avec le lockdown, tous les établissements de restauration, centres de fitness et autres lieux de rencontre ont dû fermer, avec des conséquences financières souvent dramatiques pour les propriétaires et le personnel. En revanche, Corona a eu un effet positif sur tous les investisseurs qui ont renforcé leurs ETF d’actions pendant le crash de Corona, qui n’a duré que quelques jours, et qui ont ainsi profité de cours inférieurs d’environ 30%.
Un autre cygne noir négatif a été notre ancienne compagnie aérienne nationale, Swissair. Le 3 octobre 2001, ses actions ont chuté de 96%. Peu de temps après, l’une des entreprises suisses les plus traditionnelles faisait faillite. En tant qu’investisseur en actions individuelles, de tels cygnes noirs sous forme de pertes totales en bourse sont plus fréquents qu’on ne le pense généralement.
Outre Swissair, il existe d’innombrables autres entreprises « héroïques » qui ont dû mettre la clé sous la porte et cesser leurs activités du jour au lendemain. Parmi les autres exemples, citons la banque d’investissement mondiale Lehmann Brothers, le géant de l’énergie Enron ou l’ambitieuse société allemande de traitement des paiements Wirecard, autrefois favorite de la Bourse.
Conclusion : investissez selon des règles, diversifiez largement vos investissements et gardez toujours la tête froide en cas de turbulences boursières. Vous ne serez pas épargné par les krachs et les pertes comptables qui en découlent. Mais contrairement à l’investissement dans des titres individuels, vous ne subissez pas de pertes totales suite à la faillite d’une entreprise.
Erreur de raisonnement n° 12 : Survivorship Bias (erreur de survie)
Cette erreur de raisonnement consiste à surestimer systématiquement la probabilité de réussite. Cette erreur est particulièrement fréquente dans le cas des fonds d’investissement gérés activement. Les journaux financiers publient ainsi régulièrement des classements sur les fonds les plus performants de leurs clients publicitaires. De bons moments pour le secteur financier et ses bureaux de marketing, qui exploitent naturellement ces bonnes nouvelles avec délectation dans les médias sur tous les canaux. Qui pourrait les en blâmer ?
Où est donc le problème ? La période d’observation est trop courte. Il n’est pas très difficile de battre l’indice à court terme sur un, deux ou trois ans. Mais à plus long terme, seule une minorité de fonds gérés activement y parviennent, après déduction des frais. Pire encore, et nous arrivons maintenant au cœur de ce biais : la majorité des fonds se trouvent dans le cimetière des investissements. En d’autres termes, faute de succès, les promoteurs de fonds se débarrassent en permanence de leurs fonds perdants, les retirant ainsi du marché – et de notre mémoire. Ces histoires négatives n’apparaissent évidemment pas dans les brochures sur papier glacé, mais se déroulent en silence. Il ne reste plus que les quelques fonds « gagnants » qui sont poussés par les médias.
Ce biais nous amène donc à penser, à tort, que les fonds d’investissement gérés activement sont nombreux et performants. Il s’agit donc de produits à succès qui parviennent à battre l’indice sans problème.
Mais le fait est que la grande majorité des fonds gérés activement présentent un rapport risque/rendement défavorable. En d’autres termes, après déduction des frais, ils ne parviennent pas à battre l’indice ou l’ETF correspondant (en fonction du risque pris) sur le long terme, c’est-à-dire sur dix ans ou plus.
Conclusion : ne vous laissez pas abuser par les annonces de succès du secteur financier. N’oubliez pas non plus que les fonds gagnants du passé sont souvent les flops de demain (voir aussi l’erreur de raisonnement n° 7). Lorsque vous choisissez un produit d’investissement, concentrez-vous sur la question la plus pertinente : quel a été le rendement à long terme, ajusté au risque et net de tous frais, du fonds que vous avez choisi ou que vous souhaitez acheter, par rapport à l’indice de référence approprié ? Si vous arrivez à la conclusion que vous ne pouvez pas obtenir le rendement du marché (indice), achetez un ou plusieurs ETF indiciels éprouvés. Si vous avez du mal à choisir, consultez notre comparatif indépendant des ETF « Les meilleurs ETF suisses et mondiaux : et le gagnant est… ».
Erreur de raisonnement n° 11 : Home Bias – Tendance au marché domestique
Le biais domestique est la tendance à accorder une importance disproportionnée aux investissements sur le marché national. Pour simplifier, cela signifie que les Suisses investissent de préférence dans le « SMI », les Allemands dans le « DAX » et les Américains dans le « S&P 500 ». Les raisons de cette préférence pour le marché national sont multiples et compréhensibles, du moins à première vue : une plus grande confiance dans les entreprises locales, une meilleure base d’information, des coûts de transaction plus faibles, pas de risques de change.
Des études scientifiques démontrent toutefois que la diversification mondiale de vos placements offre le meilleur rapport risque/rendement à long terme. Cette constatation n’exclut pas que, par exemple, l’indice domestique « SMI », qui se concentre sur un petit nombre de titres suisses, obtienne parfois de meilleurs résultats que l’indice mondial largement diversifié « MSCI World » sur une période ou une autre. Mais le risque que vous prenez est plus élevé.
En effet, la performance du SMI dépend fortement d’un petit nombre de titres. Ainsi, les trois premières positions du SMI, Nestlé, Novartis et Roche, représentent plus de 55%. Cela signifie que si un seul de ces titres faiblit, c’est tout l’indice qui faiblit. Il n’en va pas de même pour le MSCI World, largement diversifié et composé d’environ 1600 sociétés anonymes de 23 pays industrialisés, y compris la Suisse : les trois premiers, Apple, Microsoft et Amazon, ne représentent que 11% de la capitalisation boursière totale du MSCI World.
Conclusion : soyez patient et utilisez le pouvoir de la diversification à long terme. Vous obtiendrez ainsi le seul déjeuner gratuit dans votre investissement, ce que l’on appelle le « free lunch ». En d’autres termes, un avantage qui ne doit pas être payé par un inconvénient. Cette situation se traduit par un rapport risque/rendement optimal.
Erreur de raisonnement n° 10 : biais de confirmation
Pour Dobelli, le biais de confirmation est le père de toutes les erreurs de raisonnement. C’est pourquoi il est le seul à lui avoir consacré deux chapitres dans son livre « L’art de la pensée claire ». Chez nous, cette erreur de raisonnement figure tout de même dans le top 10.
De quoi s’agit-il ? Dans le cas du biais de confirmation, nous avons tendance à interpréter les nouvelles informations de manière à ce qu’elles soient compatibles avec nos convictions, par exemple sous la forme de théories ou de visions du monde. Nous filtrons les nouvelles informations qui sont en contradiction avec nos opinions existantes. Ceci est dangereux, car « les faits ne cessent pas d’exister simplement parce qu’ils sont ignorés », a déclaré un jour l’écrivain et philosophe britannique Aldous Huxley.
Supposons que vous soyez fermement convaincu que la classe d’actifs « actions » est dangereuse, que les investisseurs ordinaires se font arnaquer au casino et qu’ils ne subiront donc que des pertes à plus ou moins long terme. Si vous êtes victime du biais de confirmation, vous interpréterez et filtrerez toutes les nouvelles boursières qui vous parviendront de manière à confirmer vos croyances. Cela ne fera que renforcer votre « vision du monde boursier » négative.
Conclusion : notez vos croyances en matière d’argent. Ensuite, faites le travail nécessaire et fastidieux de remettre en question vos croyances en recherchant des contre-exemples (disconfirming evidence). Si vous souhaitez aller encore plus loin, demandez à vos connaissances les plus critiques de « challenger » vos croyances et de les mettre à mal si nécessaire.
Erreur de raisonnement n° 9 : biais d’action – suractivité
Cette erreur se produit souvent dans des situations nouvelles ou peu claires. Nous ressentons alors l’impulsion de faire quelque chose de précipité, n’importe quoi – même si c’est à notre détriment.
Les nouveaux venus sur le marché ont tendance à vouloir constamment modifier leur portefeuille, par exemple en effectuant des opérations superflues. Ce faisant, ils génèrent des coûts inutilement élevés.
Le biais d’action date de notre époque de chasseurs-cueilleurs, lorsque l’activité était supérieure à l’inaction dans la plupart des situations. Plus encore, à cette époque, réagir avec détermination était essentiel pour la survie, tandis qu’attendre patiemment pouvait être fatal. Il suffit de penser au tigre à dents de sabre qui se cache derrière les buissons.
Conclusion : dans des situations incertaines, comme celle que nous vivons actuellement avec la guerre en Ukraine et les perturbations qui en découlent (inflation, crise de l’électricité, etc.), il vaut la peine d’agir en bourse de manière calme, rationnelle et basée sur des règles. Nous considérons qu’un instrument efficace contre le biais d’action est une vision écrite de ses propres finances ainsi qu’une allocation d’actifs adaptée à son profil de risque personnel. De tels instruments vous donnent de la sécurité en période de turbulences boursières. En complément, les robo-advisors peuvent vous être utiles, car ils vous permettent de maintenir votre portefeuille en mode de pilotage automatique et de le protéger ainsi contre une suractivité nuisible.
D’une manière ou d’une autre, vous maîtriserez votre impatience en vous inspirant du gourou de la bourse André Kostolany, décédé en 1999, ou plutôt de son adage boursier : « Achetez des actions, prenez des somnifères et ne regardez plus les titres. Après de nombreuses années, vous verrez : Vous êtes riche. » Pour les ETF d’actions que nous favorisons, nous sommes immédiatement d’accord avec cette approche « buy-and-hold ». Mais pour éviter des pertes totales, nous déconseillons fortement de ne rien faire ou de rester en sommeil pour les actions individuelles. L’histoire nous apprend en effet que les entreprises individuelles peuvent faire faillite plus souvent et plus rapidement qu’on ne le pense généralement. (voir également l’erreur de raisonnement n° 13).
Erreur de raisonnement n° 8 : Information Bias – Surabondance d’informations
Le biais d’information est la croyance erronée selon laquelle plus d’informations conduisent automatiquement à de meilleures décisions. En tant qu’investisseurs, nous sommes confrontés chaque jour à des quantités d’informations financières non pertinentes et/ou erronées.
Voici une petite sélection au 29 août 2022 concernant l’indice boursier suisse SMI : « Les poids lourds empêchent des pertes plus importantes », « Trois signaux négatifs à la suite » (tous deux de Finanz und Wirtschaft), « Angeschlagen : Nimmt der SMI nun Kurs auf das Jahrestief ? » (Cash), « SMI – Opportunité d’entrée sur le support » (Onvista). Alors que le premier titre n’est pas pertinent, mais tout de même correct, les trois autres font appel à des « chartistes ». Ceux-ci veulent prédire les évolutions futures à partir de l’évolution passée des cours, ce qui est une absurdité totale d’un point de vue scientifique. Dans son livre « Souverän Investieren mit Indexfonds und ETFs » (Investir souverainement avec des fonds indiciels et des ETF), l’auteur Kommer qualifie sans hésiter ce genre de tour de passe-passe de « pornographie financière ».
Conclusion : essayez de vivre avec le minimum d’informations boursières, selon l’adage « ce que je ne sais pas ne m’excite pas ». Concentrez-vous plutôt sur les bases pertinentes de l’investissement, telles que nous les avons résumées ici en huit leçons. En complément, lisez ou écoutez un ou plusieurs livres sérieux (voir nos recommandations de lecture dans ce chapitre). Vous vous construirez ainsi un état d’esprit stable et solide en matière de finance, qui vous protégera de l’incertitude et des décisions d’investissement irrationnelles et néfastes.
Erreur de raisonnement n° 7 : ignorance de la « régression-toward-the-mean » – méconnaissance de l’effet de régression
La régression vers la moyenne est un terme un peu compliqué du monde des statistiques. Il désigne le phénomène selon lequel, après une mesure extrême, la mesure suivante se rapproche de la moyenne. Les performances extrêmes alternent donc avec des performances moins extrêmes.
Appliqué à la bourse, l’effet de régression signifie que l’ETF d’actions le plus performant – en termes de performance – des trois dernières années ne sera plus guère l’ETF le plus performant des trois prochaines années.
Si nous ignorons ce principe statistique en bourse, nous pratiquons un performance chasing néfaste, une variante du market timing. Poussés par la « Fomo » (« Fear of missing out »), nous courons après les rendements. Nous achetons donc au prix fort dans des marchés en surchauffe, ce qui est la formule perdante absolue en bourse.
Mais pourquoi nous comportons-nous ainsi ? Cette erreur de raisonnement est probablement due à nos instincts humains : Les gagnants nous attirent comme par magie.
Conclusion : une mesure simple et efficace pour tenir compte du principe de régression vers le milieu est d’effectuer périodiquement un rééquilibrage basé sur des règles, en se basant sur des valeurs cibles prédéfinies. De cette manière, vous investissez de manière anticyclique et non sur des marchés déjà chauds avec un fort potentiel de chute.
La preuve sociale fait référence à notre instinct grégaire, toujours profondément ancré. Mais pourquoi fonctionnons-nous ainsi ? Parce que ce comportement orienté vers le groupe s’est avéré être une bonne stratégie de survie dans notre passé évolutif. Pensez à nouveau au tigre à dents de sabre. Ceux qui hésitaient et ne prenaient pas la fuite avec leurs congénères étaient mangés et disparaissaient du pool génétique.
Aujourd’hui, et appliquée à la bourse, la preuve sociale est surtout une chose : le grand mal derrière les bulles et les krachs.
Conclusion : nous considérons que la meilleure recette contre la preuve sociale réside dans une solide éducation financière et, bien entendu, dans la sensibilisation à cette erreur de raisonnement.
Erreur de raisonnement n° 5 : Hindsight Bias – Erreur de rétroaction
Dans le cas de l’erreur rétrospective, une évolution nous semble rétrospectivement tout à fait plausible et prévisible. C’est une grave erreur : qui a prédit correctement la crise financière de 2008 ou le krach de Corona en 2020 ? Personne.
Selon Dobelli, l’erreur de retour en arrière est l’une des erreurs de raisonnement les plus persistantes. Il le décrit également comme le « phénomène du je-sais-tout ». Selon des études, même les personnes qui connaissent cette erreur de raisonnement tomberaient dans le piège aussi souvent que les autres.
Mais pourquoi l’erreur rétrospective est-elle si dangereuse pour les investisseurs ? Parce qu’elle nous fait croire que nous sommes de meilleurs prévisionnistes que nous ne le sommes en réalité. Cela nous rend trop confiants en bourse et nous incite à prendre de mauvaises décisions.
Conclusion : Dobelli conseille de tenir un journal de nos prévisions économiques afin de pouvoir nous rappeler noir sur blanc nos erreurs d’appréciation. Nous pensons qu’une approche d’investissement passive, basée sur des règles, sans prévisions et sans spéculation, telle que nous la défendons sur notre blog et l’appliquons nous-mêmes, est une mesure moins coûteuse mais tout aussi efficace.
Erreur de raisonnement n° 4 : Loss Aversion – Aversion à la perte
Si l’on considère les dépenses records de Madame et Monsieur Suisse en matière d’assurance, nous devrions être particulièrement touchés par cette erreur de raisonnement. De quoi s’agit-il ? Les investisseurs ont tendance à être plus sensibles aux évolutions négatives des cours qu’aux évolutions positives. Des pertes de cours de 20% nous affectent donc généralement plus que des gains de cours d’un montant équivalent ne nous réjouissent.
L’aversion aux pertes se traduit également par un comportement d’investissement trop prudent. Les investisseurs averses au risque se sentent plus à l’aise avec leur compte d’épargne (sans intérêt), tandis qu’ils évitent les classes d’actifs risquées comme les actions.
D’ailleurs, dans notre passé évolutif, l’aversion à la perte ou au risque était encore plus forte qu’aujourd’hui. Il suffisait d’une erreur stupide pour quitter la vie. Les personnes qui étaient imprudentes ou qui prenaient trop de risques mouraient avant de pouvoir transmettre leurs gènes à la génération suivante. Les plus prudents ont survécu, et nous, leurs descendants.
La variante extrême de l’aversion aux pertes est ce que nous appelons le biais de risque zéro. Le risque zéro en matière financière, c’est-à-dire la sécurité totale, existe-t-il vraiment ? Bien sûr que non. Même si vous vendez tous vos ETF d’actions et transférez l’argent sur un compte d’épargne, votre patrimoine n’est pas en sécurité. La banque peut faire faillite, l’inflation grignote chaque jour une petite partie de vos économies ou une réforme monétaire vous réserve de mauvaises surprises.
Conclusion : les risques font partie de la vie tout comme de votre investissement. D’un point de vue rationnel, vous avez tout intérêt à couvrir les risques qui menacent votre existence, à assumer tous les autres risques et à profiter de rendements supérieurs à l’inflation à long terme.
Erreur de raisonnement n° 3 : le biais de surconfiance (overconfidence bias)
Nous y sommes presque ! Nous passons maintenant aux médailles : Le bronze est consacré à notre surestimation de nous-mêmes. Cette erreur de raisonnement consiste à surestimer systématiquement nos connaissances et notre capacité de prévision. Ce piège psychologique est favorisé par des réussites aléatoires vécues auparavant (« chance du débutant »).
Ainsi, à la fin des années 90, de nombreux investisseurs ont placé toutes leurs économies dans des actions Internet. Encouragés par les succès initiaux, ils pensaient être passés maîtres dans l’art de la sélection de titres ou dans le choix d’actions d’avenir performantes. C’était une grave erreur : le marché entier a explosé à cette époque. Et lorsque la bulle des dotcoms a éclaté, la tragédie financière de nombreux spéculateurs a été totale.
Surprenant : selon Dobelli, les experts, comme les professeurs d’économie, souffrent encore plus de surestimation de leurs capacités. Avec de graves conséquences si nous suivons aveuglément les prévisions de ces professionnels dans nos investissements. Cette croyance en l’autorité, non critique et nuisible, est également appelée « biais d’autorité ».
Conclusion : ignorez les prévisions ou, du moins, soyez toujours sceptique quant à vos propres estimations du marché et à celles des soi-disant professionnels de la bourse. Surtout s’il s’agit de prévisions à court terme. Les deux seuls pronostics que vous devriez faire en tant qu’investisseur rationnel sont
- à long terme, l’économie de marché perdurera et
- globalement, de plus en plus de personnes verront leur niveau de vie augmenter.
Si vous partagez ces deux points de vue, nous pensons que rien ne s’oppose à un investissement à long terme dans un ou plusieurs ETF d’actions passifs et largement diversifiés.
Erreur de raisonnement n° 2 : Sunk Cost Fallacy (erreur sur les coûts irrécupérables)
Tous les étudiants en gestion sont mis en garde contre cette erreur de raisonnement, à laquelle nous décernons la médaille d’argent. De quoi s’agit-il ? Qu’il s’agisse d’un dirigeant d’entreprise ou d’un investisseur privé, tous ont tendance à prendre en compte les coûts cachés des mauvaises décisions passées dans leur prise de décision actuelle.
Ainsi, les projets infructueux entraînent des coûts supplémentaires (« jeter de l’argent par les fenêtres ») au lieu de mettre fin au projet et d’admettre le mauvais investissement. En d’autres termes, si vous examinez un projet aujourd’hui, seul le rapport coûts/bénéfices futur devrait être pris en compte dans votre prise de décision, et non les coûts passés, déjà engloutis. Car ces coûts sont irrémédiablement perdus.
Exemple : vous investissez depuis de nombreuses années dans un fonds d’actions coûteux et géré activement. Appelons-le « The World’s Best Stocks Premium Fund ». Vous constatez qu’en raison des frais élevés, la performance de ce placement est nettement inférieure à celle de l’indice de référence MSCI World sur plusieurs années. Que faites-vous ? En tant qu’investisseur rationnel, vous tirez sur la corde : Vous arrêtez les frais élevés, acceptez les éventuels frais de sortie et investissez à la place dans un fonds d’actions (passif) bon marché. Vous devriez faire de même avec les courtiers trop chers.
Conclusion : considérez les coûts perdus comme un apprentissage précieux, même s’il est parfois coûteux, et agissez selon l’adage « mieux vaut une fin qui fait peur qu’une peur qui ne fait pas peur ».
– P a r t i c i p a t i o n d e s p a r t e n a i r e s –
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Erreur de raisonnement n°1 : méconnaître la croissance exponentielle
L’or pour la croissance exponentielle ! Ce choix peut vous surprendre. Mais la croissance exponentielle, qui se traduit dans votre investissement par l ‘effet des intérêts composés, est si puissante que nous considérons sa méconnaissance comme le plus grand piège psychologique. Dans votre investissement, l’effet des intérêts composés est votre allié le plus proche et un booster de performance sans précédent à long terme, comme nous le verrons plus tard.
Albert Einstein aurait dit un jour : « L’effet des intérêts composés est la huitième merveille du monde. Celui qui le comprend en tire profit, tous les autres le paient ». Contrairement à la croissance linéaire, que nous comprenons intuitivement, la croissance exponentielle dépasse notre imagination. En effet, notre passé évolutif ne nous y a pas préparés. Ainsi, les expériences de nos ancêtres étaient principalement de nature linéaire. Par exemple, ceux qui passaient deux fois plus de temps à ramasser des baies obtenaient une récolte deux fois plus importante.
Pour mieux comprendre, voici le scénario : généreux comme vous l’êtes, vous souhaitez investir 10 000 francs suisses en une seule fois pour votre enfant mineur (ou votre filleul, bien sûr). Pour ce faire, vous examinez trois possibilités d’investissement sur un horizon de 40 ans.
L’option A est un titre à revenu fixe sous la forme d’une obligation d’entreprise avec un coupon annuel de 8%. L’option B est un ETF d’actions « MSCI World » dont le cours devrait augmenter de 8% par an en moyenne. L’option C est un « fonds d’actions mondiales » géré activement par votre banque habituelle avec un rendement attendu de 6% (rendement du marché moins 2% de frais de gestion et autres). Pour simplifier, nous laissons de côté l’inflation et les impôts. Que choisiriez-vous ?
Bravo, vous avez probablement misé sur B et donc fait le « bon » choix (cf. figure 2).
Mais ce que vous n’aviez peut-être pas prévu, c’est l’énorme différence de valorisation entre les trois options d’investissement (voir graphique 3).
Comparons tout d’abord les options A et B. Les deux sont rémunérées à 8%. Ce n’est donc pas le taux d’intérêt qui est déterminant ici, mais la croissance exponentielle de l’option B. En effet, l’ETF bénéficie de l’effet des intérêts composés, c’est-à-dire que la base à rémunérer augmente chaque année de 8% : 10 000, 10800, 11 664, etc. Dans le cas de l’obligation, en revanche, elle reste constante à 10 000 CHF, ce qui explique que le produit des intérêts reste lui aussi stable au fil des ans (croissance linéaire).
Ce qui est étonnant, c’est que grâce à l’effet des intérêts composés, l’ETF ne bat pas seulement l’obligation de 20, 30 ou 50%, mais de 548% !
Si l’on compare les options A et C, on constate que les intérêts composés sont plus puissants que le taux d’intérêt. En effet, malgré un taux d’intérêt plus faible (8% contre 6%), l’option C surperforme l’option A de 190%.
Les investisseurs orientés vers les actions devraient toutefois s’intéresser à la différence considérable de performance entre l’option B et l’option C. La même classe d’actifs, mais une différence de taux d’intérêt prétendument faible de 2%, basée sur des frais annexes plus élevés, représente un manque à gagner de 114 388 francs après 40 ans pour l’investissement géré activement.
Conclusion : utilisez la puissance de l’effet des intérêts composés dans vos investissements. Investissez de manière passive plutôt qu’active et choisissez un courtier bon marché adapté à vos besoins afin de réduire au maximum les frais annexes liés à l’investissement. En effet, ces frais courants ont un impact drastique sur votre patrimoine à long terme en raison de l’effet négatif des intérêts composés, comme l’a montré de manière impressionnante la comparaison entre l’option B et l’option C. Dernier point, mais non des moindres : ne vous fiez pas à votre intuition pour les taux de croissance, mais à votre calculatrice ou à la formule des intérêts composés : [=investissement initial*(1+intérêt/100)^durée de vie)-investissement initial] ou, par exemple, pour l’option B : [=10000*(1+8/100)^40-10000] (Excel)
Références bibliographiques (y compris des suggestions de livres)
Lors de notre lecture de divers ouvrages traitant des biais ou des erreurs de raisonnement psychologique, un nom a été particulièrement cité : Daniel Kahnemann, psychologue, lauréat du prix Nobel et expert en économie comportementale. Il a écrit de nombreux travaux scientifiques sur les biais cognitifs, comme son célèbre livre « Pensée rapide, pensée lente ». Nous avons rassemblé ci-dessous cet ouvrage et d’autres qui nous ont inspirés pour la rédaction de cet article :
- Dobelli, Rolf, L’art de penser clairement, 2011
- Dobelli, Rolf, L’art d’agir intelligemment, 2012
- Housel, Morgan, Sur la psychologie de l’argent, 2021
- Kahnemann, Daniel, Pensée rapide, pensée lente, 2012
- Kommer, Gerd, Souveräntieren mit Indexfonds und ETFs (Investir en toute souveraineté avec des fonds indiciels et des ETF), 2018
- Taleb, Nassim Nicholas, The Black Swan, 2007
Nous pensons que tous les livres mentionnés méritent d’être lus et recommandés. Si vous souhaitez vous informer de manière approfondie et divertissante sur les pièges psychologiques (même en dehors du thème de la finance), les deux best-sellers de l’auteur suisse Rolf Dobelli sont faits pour vous. Le livre (audio) de l’auteur américain Morgan Housel, dans lequel il explique clairement en 20 histoires courtes pourquoi nous prenons toujours de mauvaises décisions financières, est également plus léger.
Les trois autres ouvrages sont certes un peu moins divertissants, mais ils offrent une plus grande profondeur scientifique. Parmi eux, nous considérons notamment « Souverän investieren… » de Kommer comme une lecture obligatoire pour tous ceux qui souhaitent acquérir une approche d’investissement buy-and-hold rationnelle et basée sur la science. Cet ouvrage de référence est d’ailleurs disponible gratuitement sur Spotify sous forme de livre audio, aussi bien dans sa version originale que dans sa version abrégée pour débutants, que nous recommandons également.
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Clause de non-responsabilité
Clause de non-responsabilité : cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement, il est uniquement destiné à vous informer.
2 Kommentare
Hallo, ich wollte die Literaturempfehlungen unter dem angegebenen Link https://schweizerfinanzblog.ch/behavioral-finance-13-denkfehler/?preview_id=3653&preview_nonce=0b04cb9dad&preview=true&_thumbnail_id=3655#Literaturhinweise_inkl_Buchtipps einsehen, leider kommt die Meldung dass ich für Entwürfe nicht berechtigt sei – oder so ähnlich 🙂
Sorry, Brigitte. Dieser Link sollte funktionieren: https://schweizerfinanzblog.ch/behavioral-finance-13-denkfehler/#Literaturhinweise_inkl_Buchtipps